Comment accéder gratuitement à tout article scientifique

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Le fonctionnement de la recherche est parfois étrange. Censé être diffusée, partagée, ouverte à tous, les seuls pouvant pourtant accéder aux articles scientifiques sont les universitaires ayant la chance d’être abonné aux revues. Pire encore, dès lors qu’un chercheur publie son travail, celui-ci ne lui appartient plus !

Autrefois, l’activité la plus longue, complexe et fastidieuse d’un scientifique était la recherche des autres travaux accomplis sur un sujet donné. Imaginez-vous, en 1872, chercheur français s’intéressant aux mécanismes de communication du cerveau. De fantastiques travaux sont alors réalisés de par le monde, en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Allemagne ou en Russie. Problème, le latin scolaire que l’on vous a enseigné est inutile : la plupart des recherches sont publiés dans leurs langues respectives et, à part quelques mots d’allemand ou d’italien, vous ne les maîtrisez pas assez. Autre problème, la circulation des revues et des livres. En effet, il faut voyager, se rendre dans les autres universités de par le monde et passer des journées entières à survoler les journaux en espérant trouver l’article qui fera avancer votre pensée. Et, à l’époque, se permettre de voyager longtemps et loin n’est pas à la portée de toutes les bourses.

De plus, dans cette époque tourmentée, il était courant que les états entrent en guerre les uns avec les autres, sonnant un glas temporaire sur ces pérégrinations intellectuelles. Ce système a perduré jusqu’à la guerre froide, où les recherches faites par les brillants chercheurs soviétiques étaient difficiles d’accès pour ceux de l’Ouest (et vice versa).

Mais alors, depuis la chute des blocs, la diminution de l’entrave à la libre circulation pour des motifs politiques, la démocratisation de l’anglais comme langue unique de recherche, la communication de masse, l’informatisation et la distribution des articles scientifiques grâce à internet ont-elles permis l’avènement d’un monde avançant ensemble vers la connaissance?

Que nenni !

Après les barrières culturelles et politiques s’est dressé une barrière économique.

Un diktat organisé par des éditeurs, tels que Elsevier, qui tiennent d’une poigne de fer l’accès aux articles et investissent des millions dans des paywalls au top de la technologie destinés à bloquer l’accès à tous ceux qui n’auraient pas mis la main à la poche. Et les prix pratiqués ne sont pas négligeables : 30-35€ la lecture d’un seul article, prévenant ainsi le citoyen lambda de se renseigner à la source, directement dans les articles, entretenant une ségrégation surannée entre les scientifiques et le reste du monde.

Pire encore : les éditeurs, malin comme ils sont, font des formules d’abonnement qu’ils proposent aux universités. Alors qu’en France, elles ont déjà une insuffisance totale de moyens, voilà qu’une part importante de leur budget sert à payer des éditeurs qui, rappelons le, ne servent à rien* (ils ne financent aucune recherche, n’en produisent pas non plus et, pire encore, demandent parfois au chercheur lui même de payer pour être publié). Bien entendu, pour certaines universités prestigieuses aux moyens conséquents, se doter d’abonnements pour toutes les revues n’est pas un problème. Pour l’université locale d’une ville du Kazakhstan, par contre, c’est une autre histoire…

On est loin de la recherche ouverte et accessible à tous.

Je n’ai pas cité le Kazahkstan par hasard. C’est dans ce pays que le Dr. Alexandra Elbakyan a réalisé son doctorat. Et, justement, son université n’avait aucun abonnement, rendant la tâche extrêmement ardue. Elle a donc décidé de créer un site qui court-circuiterait les paywalls et laisserait n’importe qui accéder à n’importe quel article scientifique librement. Sci-hub était né.

Bien évidement, les éditeurs n’ont pas été contents et n’ont pas attendu pour engager des procès à l’étudiante, qui doit se battre contre ces géants de l’édition. Ainsi donc, je ne peux que vous encourager d’utiliser son site, de le diffuser et, si vous pouvez, d’y contribuer. L’objectif de la science est d’être transparente, accessible et ouverte à tous.

Voici le lien, copiez simplement soit l’URL, soit le DOI  (si l’URL ne marche pas), soit le titre de l’article dans le moteur de recherche et laissez la magie opérer.

http://sci-hub.hk/

Ce site étant très souvent visé par les attaques en justice des éditeurs, il change souvent d’addresse. Si le lien ne fonctionne plus, merci de me contacter pour l’updater.

Si cela ne marche toujours pas, l’utilisation conjointe d’un VPN (certains sont gratuit et existent en extension chrome, ex: ZenMate ou Holla) a montré son utilité.

 


source: https://torrentfreak.com/sci-hub-tears-down-academias-illegal-copyright-paywalls-150627/

*Je ne parle pas, dans cet article, du cas des éditeurs open-access.

Peau de banane, machiavélisme et Jésus: Les gagnants du prix IG Nobel 2014.

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Le concours IG Nobel récompense chaque année des chercheurs issus de disciplines diverses ayant menés des études que l’on considère aujourd’hui comme peu communes…

Je m’explique : grâce a un jeu de mot d’une finesse inégalable, le nom même de ce concours le place en opposition avec le sacro-saint Prix Nobel. Si je devais choisir entre les deux (on peut toujours rêver), je réfléchirais un moment avant de de prendre ma décision (quelques nanosecondes, avant que mes fonds de poche finissent de me convaincre). Car le prix IG nobel valorise une certaine idée, vision de la science, à laquelle j’adhère.

Aujourd’hui, la recherche est guidée par les mécènes qui financent et ont, le plus souvent, un intérêt personnel tout particulier pour certains résultats. D’autre part, il est coutume d’extrapoler les résultats d’un article, aussi minimes soient-ils, à une certaine utilité. Aujourd’hui, les scientifiques doivent être utiles, efficaces, avoir de bonnes raisons de faire une recherche (hypothèses, bases théoriques), ainsi que des résultats applicables, qui serviront à la société.

Alors certes, au vu de la conjoncture économique actuelle, on se dit que c’est loin d’être absurde. Finit les chercheurs loufoques, barbus et solitaires, enfermés dans des ateliers sombres à faire des choses qu’eux seuls comprenaient, la recherche est aujourd’hui dans une logique de production et de rentabilité.

Et cela m’attriste. Si l’on demande à un chercheur « mais pourquoi faire ça? », il tentera de vous convaincre dans un exposé au format variable du bien fondé de sa recherche, de l’assurance de résultats viables et publiables.  Je pense pourtant que la réponse fondamentale, originelle de la recherche à la question « Pourquoi » est : « Car on ne sait pas ».  Ceci définit à l’origine un type de recherche que l’on nomme fondamentale, par opposition à la recherche dite appliquée. Le seul guide, la seule directive de la recherche devrait être de faire quelque chose que l’on ne sait pas encore, qui n’a jamais été fait, d’éclairer l’ombre. De faire avancer la connaissance dans le seul intérêt de la connaissance.

C’est là que vient le prix IG Nobel, qui honore les recherches que l’on considère drôles, absurdes (le plus souvent du fait de leur déconnexion totale de l’utilité) et qui font réfléchir, car elles sont imaginatives, originales, et montrent, ou valident un fait non vérifié, poussant jusqu’à dans leurs retranchements la méthode scientifique.

Tous les ans, le comité se réunit à Harvard pour distribuer les prix. Voici les gagnants de cette année en physique et neurosciences :


Le coefficient de friction sous une peau de banane.

Le Dr K. Mabuchi et son équipe ont ainsi mesurés avec précision le niveau de friction entre une chaussure et une peau de banane, et entre cette peau et le sol, quand une personne marche dessus. Le coefficient de friction était de 0.07, bien plus faible que sur d’autres surfaces glissantes.


Voir Jesus dans un toast.

La « Paréidolie » de visage est la perception illusoire d’un visage inexistant. Typiquement, les gens apercevant le visage de la vierge marie, de Jesus ou autre célébrité dans une flaque, la pluie, un nuage, une feuille de thé, une boule de cristal ou un toast. Les participants étaient informés que 50% de ces images contenaient des visages, tandis qu’ils voyaient en fait des images contenant du bruit (des points placés de manière totalement aléatoire). Et bien ces participants rapportaient voir effectivement des visages 34% du temps! En IRMf, les chercheurs ont montrés une activation du Gyrus fusiforme droit (Plus précisément la FFA, la Face Fusiform Area ) quand les participants pensaient voir un visage, témoignant du rôle de cette région cérébrale dans le traitement de visages réels comme imaginés.


Les psychopathes machiavéliques et narcissiques vivent plutôt la nuit.

Les psychologues differentialistes ont établis un ensemble de traits de personnalité corrélés entre eux qu’ils ont nommé la « Dark Triad ». Ces traits sont le machiavélisme, la psychopathie et le narcissisme. Le Dr Jonason et son équipe ont cherché à voir si cette triade était liée à certains cycles chrono-biologiques spécifiques. Les résultats de l’étude montrent effectivement que ces traits de personnalités sont corrélés à un cycle de vie plutôt nocturne (ces personnes ayant un pic d’activité et d’éveil plus tard dans la journée).


Quand on a mal, mieux vaut regarder un beau tableau.

Ces psychologues se sont intéressés à la modulation de la douleur par l’expérience et le jugement esthétique. Ils ont infligé de la douleur à des participants devant des œuvres belles ou laides, le tout en enregistrant leur activité cérébrale de surface. Ils ont montré que la vision de peintures jugées belles atténuaient la douleur, ce qui se traduisait au niveau neural par une réelle inhibition de l’onde P2, localisée au niveau du cortex cingulaire antérieur. L’expérience esthétique semble donc avoir un réel impact sur la cognition.