Hannibal Lecter

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Hannibal – Thomas Harris (1981 – 2006)

Quel formidable personnage de fiction que le Dr. Hannibal Lecter, psychiatre et cannibale de son état. Après un premier film sorti en 1986, on retiendra surtout l’interprétation frissonnante d’Anthony Hopkins durant trois films (dont l’un dirigé par Ridley Scott). Egalement grand admirateur de cet acteur, je pensais difficile que quiconque puisse l’égaler dans l’incarnation du criminel. C’était avant les 3 saisons de la très esthétique série Hannibal (2013 – 2015) où Mads Mikkelsen (Le Chiffre dans James Bond – Casino Royal) nous livre une fantastique version élégamment rafraîchie du tueur.

C’est simple, que ce soit dans les films ou la série, et bien que qu’il ne soit pas le seul personnage central (l’intrigue tournant souvent autour d’un détective et d’un autre criminel recherché), on n’attend que lui, et on savoure les moments où le brillant cannibale est mis en scène, conduisant à un conflit cognitif marquant : « comment puis-je autant apprécier ce monstre ?« .

Cet été, j’ai donc entrepris de m’atteler à la tâche et de lire les 4 romans sur lesquels sont basés les films.

L’auteur, malgré le succès international de ses livres, est discret, pour ne pas dire absent des médias. Un comble pour un journaliste. Après un premier thriller écrit en 1975, il ne produira *que* la série de romans centrée autour d’Hannibal (4 livres en 25 ans). Cela pourrais sembler peu… avant de les avoir lu.

Hannibal est un personnage complexe, appréciant aussi bien la cuisine la plus délicate que la musique classique, ses connaissances s’étendant de la peinture à la neuroanatomie, en passant par la littérature italienne et la psychologie. De plus, l’histoire se déroule dans le contexte nébuleux du FBI et de l’investigation criminelle, où se mélangent allègrement politique d’état et enquête scientifique.

Autant de sujets que Thomas Harris traite avec une remarquable crédibilité, même quand il décrit la jeunesse d’Hannibal, dans le Paris honteusement soupçonneux de l’après-guerre. C’est impressionnant de voir s’étendre, page après page, la culture de l’auteur au travers de son personnage, le voir produire d’augustes descriptions de l’enfer de Dante, puis enchaîner sur une revue des produits chimiques pouvant l’aider à se sortir d’une situation. J’ai été bluffé de la justesse des nombreuses références aux théories ou aux évaluations psychologiques que recèlent les livres.

Il est intéressant de noter que les films et la série prennent de nombreuses libertés par rapport aux romans. Pourtant, aucune des histoires contées ne diffère par sa plausibilité. On prend plaisir à noter les différences, surtout celle sur la fin : alors que, dans le film « Hannibal », la dernière scène le montre dans un avion, seul, en cavale, faisant goûter à un enfant un délicat morceau de cerveau, la fin du livre n’est pas… exactement du même registre. Je n’en dirais pas plus.

En conclusion, je vous laisse sur le morceau (de musique) préféré du cannibale, qu’il réclame plusieurs fois au cours de ses incarcérations (et que l’on peut entendre dans le film Le Sillence des Agneaux dans la prison fédérale, avant son passage à l’acte).

Métamorphoses de l’âme et ses symboles – C.G. Jung

Métamorphoses de l'âme et ses symboles - C.G. Jung (1996; 1er Ed: 1912)

Métamorphoses de l’âme et ses symboles – C.G. Jung (1996)

L’édition originale de 1912 est sous-titrée « Analyse des prodromes d’une schizophrénie ». C’est avec cet ouvrage que Carl Gustav Yung officialise sa rupture avec Freud. Il y établit les prémices d’une psychanalyse nouvelle, basée l’activité délirante d’un patient: Emil Schwyzer.

Celui-ci voit le soleil comme un astre doté d’un phallus dont les mouvements érotiques produiraient le vent. Jung, guidé par l’analyse de ses propres rêves, y verra une correspondance avec un passage mythologique (bien que le passage en question soit inconnu du sujet) et créera ainsi la notion d’archétype. Cette notion, centrale à la psychanalyse Jungienne, mêle socio-psychologie (et non pas psychologie sociale), psychologie évolutionniste, et même hypothèses neuroscientifiques. L’humain utiliserait spontanément une forme de représentation a priori, ancrée à un niveau neural, renfermant la structure même de la psyché, et commune à toutes les cultures. On retrouverait les traces de cette âme primordiale, de cette structure à forme d’inconscient collectif dans l’analyse des mythes, des symboles et des légendes.

Dans d’autres ouvrages, Jung pousse même jusqu’au confins de la métaphysique et du mystique avec son concept de synchronicité. Mais ceci sera pour une autre fois.

Qu’est ce que la neuropsychologie ?

phreneologyhead-graphicsfairy010bProcédons à une expérience simple et amusante. Prenez un jeune et brillant neuropsychologue et demandez lui « qu’est ce que la neuropsychologie ? ». Dans certains cas, après quelques balbutiements, il vous répondra par un exemple issu de son métier ; « la neuropsychologie, c’est faire ci ou ça ». Au mieux, il vous donnera une réponse incomplète, voire fausse : «la neuropsychologie est un outil», « une méthode » ou pire, « un point de vue »…

Non pas que le neuropsychologue en question soit incompétent, loin de là. Mais c’est un exercice que nous n’avons pas l’habitude de faire. L’enseignement de la neuropsychologie vient petit à petit, de manière dénouée et parcellaire. Si, in fine, nous en acquérons une vision globale, jamais la verbaliser n’est nécessaire. De plus, la définition de la neuropsychologie, complexe et difficile à formuler, est surtout très débattue. Les métiers qui en découlent sont multiples et, trop souvent, d’aucuns essayent de circonscrire la neuropsychologie à leur petite activité. Par exemple, un neuropsychologue qui fera de la remédiation cognitive avec des patients psychiatriques aura sans doute une vision quelque peu différente de celui-ci qui réalise, jour après jour, des examens neuropsychologiques diagnostiques dans un service de neurologie. Et c’est sans compter tous les neuropsychologues ayant choisi une carrière universitaire et académique, enseignants et/ou chercheurs, parfois critiqués par leurs confrères cliniciens.

Aucun problème, dirait le lecteur averti, prenons une définition plus large. Pas si simple. La neuropsychologie occupe une place à part dans l’organigramme de la science, à la frontière exacte entre les sciences humaines, les sciences de la vie et les sciences médicales. En donner une définition trop large reviendrais à perdre son essence dans les tréfonds nébuleux des neurosciences et de la psychologie. Les neuropsychologues, qu’ils soient cliniciens ou pas, ont une formation commune, des bases théoriques spécifiques, un canevas d’analyse et d’interprétation sous-tendu par une méthode rigoureuse et scientifique.

C’est pourquoi, dans l’objectif d’un consensus ouvrant à la compréhension et au débat, je vais tenter de proposer une définition simple, complète et informative.

Le premier point obligatoire, l’axiome premier, est la notion de science. «Science», nous dit Schopenhauer dans sa thèse à l’intitulé baroque (De la quadruple racine du principe de raison suffisante), « signifie un système de connaissances, c’est-à-dire une totalité de connaissances reliées ensemble, par opposition à leur simple agrégat. ». Ce principe s’appliquant parfaitement à la neuropsychologie, qui contient des théories, des hypothèses et des preuves se nourrissants les unes des autres, elle devient de facto une science. Mais pas n’importe laquelle.

La neuropsychologie fait partie d’un amas de sciences ayant pour intérêt la constitution, le fonctionnement et la production d’un même objet : le cerveau. Par conséquent, elle fait partie intégrante des neurosciences. Elle se situe même à cheval entre les neurosciences médicales (la neurologie, la psychiatrie, la psychopathologie…) et les neurosciences fondamentales (la neurobiologie, la neurophysiologie, la psychologie cognitive…). De plus, elle est également liée par de multiples aspects aux neurosciences appliquées (psychopharmacologie, neuro-ingéniérie, neuromarketing etc.).

La nébuleuse des neurosciences.

La nébuleuse des neurosciences.

Comme dit plus haut, la neuropsychologie est un champs d’étude intégrant des théories, des méthodes d’investigations spécifiques, des débats et des experts, qui s’intéresse à la relation entre matière cérébrale, son organisation anatomique et fonctionnelle, et a son lien avec la cognition et la pensée.

Contrairement à d’autres domaines, la neuropsychologie possède également une composante pratique, appliquée, qui se développe dans l’évaluation, le diagnostic et la prise en charge de patients pouvant souffrir de pathologies très diverses.

Ces multiples facettes font la richesse de la neuropsychologie et offrent une liberté de travail potentiellement exceptionnelle. 

Ainsi donc, en résumé* :


La neuropsychologie est une science théorique et pratique étudiant le lien entre l’organisation et le fonctionnement du cerveau, la cognition, la pensée et le comportement.

Elle comporte deux aspects intimement liés :

  • La neuropsychologie expérimentale étudie les variabilités du cerveau et de la cognition (qu’elles soient d’origine pathologique ou non) pour tester des modèles et développer des théories sur le fonctionnement mental, visant ainsi à une meilleure compréhension de l’Homme.

  • La neuropsychologie clinique utilise les théories et les modèles sur le fonctionnement mental pour mieux détecter et appréhender les troubles et les déficits d’une pathologie, menant à un diagnostic précis, tout en développant et appliquant des prises en charges modernes et adaptées.

La neuropsychologie se situe au centre de la nébuleuse des neurosciences, au carrefour de la théorie et de la pratique. Ses praticiens, les neuropsychologues, sont liés par une formation commune, des bases théoriques spécifiques, un canevas d’analyse et d’interprétation sous-tendu par une méthode d’investigation rigoureuse et scientifique.


2017 : Cette définition est enseignée aux étudiants de psychologie de l’université Sorbonne Paris-Cité.

Vocabulaire de la Psychologie – Henri Piéron

Vocabulaire de la psychologie - Henri Piéron (1951)

Vocabulaire de la psychologie – Henri Piéron (1951)

L’institut de psychologie de l’université Paris Descartes, d’où sortent chaque année des centaines de psychologues, s’appelle l’institut Henri Piéron. Problème ? Aucun de ces étudiants ne serait capable de dire qui est Henri Piéron.

Moi même, avant de tomber par hasard sur cet ouvrage chez un bouquiniste des quais de Seine, la question de qui était Piéron ne m’importait que très peu. Et pourtant… les critiques internationales présentes sur la quatrième de couverture sont tout bonnement dithyrambiques. A tel point que l’on se demande comment on peut avoir entendu le nom de Freud cité chaque jour durant les trois premières années d’études et jamais celui d’Henri Piéron, dont l’importance et la contribution à la psychologie semble tout aussi importante (et sans doute moins mystique). Voyez par vous-même :

« Ce Vocabulaire est un instrument de précision. Il rendra les meilleurs services à l’étudiant comme au psychologue professionnel »

« … Livre que garderont à portée de la main, pour une consultation quotidienne, tous ceux qui étudient la science de l’esprit. »

« Le Professeur Piéron et ses collaborateurs ont rendu un grand service à la psychologie »

Mais que contient-il ? Tout, un véritable dictionnaire décrivant aussi bien les lois mathématiques de la psychophysique, que la psychopharmacologie en passant par la terminologie complexe psychopathologique.

Ce livre est particulièrement savoureux de nos jours, tant il décrit des termes aujourd’hui désuets, soulignant pourtant que, déjà en 1951, un courant de la psychologie se voulait résolument scientifique, précis, et exhaustif. Quelques exemples :

Aphanisis :  Crainte de la perte de la capacité de jouissance sexuelle.

Idiotie amaurotique : Maladie familiale atteignant presque exclusivement la race juive et caractérisée par une idiotie profonde avec cécité congénitale. La survie prolongée est rare.

Dromomanie : Trouble névrotique caractérisé par une instabilité motrice et des impulsions irrésistibles à marcher, parfois à courir.

Dypraxie diagonistique : Syndrome de conflit entre l’acte voulu et l’acte réalisé: un verre, rempli par une main est vidé par l’autre (2 cas après section du corps calleux).

Psittacisme : Répétition de mots, de phrases ou même de notions qui n’ont pas été comprises par le sujet. Fréquent dans la débilité mentale.

Tribadisme : Pratique homosexuelle féminine (Syn. : saphisme)

Au final, l’une des critique résume bien ce que devait être cet ouvrage en son temps, et qui reste aujourd’hui un témoignage historique de l’avancée et de l’évolution de la psychologie.

« Le choix des termes est judicieux. Les définitions très claires indiquent plusieurs acceptions et donnent des explications intéressantes. […] L’ouvrage est d’une utilité incontestable pour tout lecteur d’ouvrages scientifiques ans le domaine de la psychologie et de la psychopathologie. »

Psychiatrie et neurosciences

Psychiatrie et neurosciences - Pierre Schultz (2012)

Psychiatrie et neurosciences –
Pierre Schultz (2012)

 

La psychiatrie bascule petit à petit et devient de plus en plus « neuro », c’est un fait. Cet ouvrage tombe à pic.

Encore une fois très pertinent, complet, précis, illustré de vignettes cliniques permettant la mise en pratique des profondes notions théoriques, ce très bel ouvrage est une des pierres encore trop peu nombreuses qui viennent combler l’abysse entre les connaissances en neurosciences et la pratique de la psychiatrie institutionnelle. De plus, l’auteur me ravit en laissant la part belle à la neuropsychologie, y consacrant de très nombreuses pages…

 

 

Un coup de cœur 🙂

Le DSM – 5

DSM 5 - American Psychiatric Association

DSM 5 – American Psychiatric Association

 

Aaah. Ce fameux Manuel Diagnostique et Statistique des maladies mentales contenant, accrochez vous, aucune statistique.

Tout droit venu d’Amérique, il reste la référence pour un dialogue international clair une entente transparente. Sans rentrer dans les débats sur sa conception ou son existence même, je pense qu’il faut le prendre comme un outil de communication et de standardisation. Et pour ça, c’est top.

En science, il faut être moderne et se remettre à jour. Le DSM-5, la bible de la psychiatrie est enfin sortie. Donc fini les « syndromes d’Asperger » ou autres, il faut revoir notre nosologie et nos appellations.

Etant spécialisé en Psychiatrie, il m’a intéresse tout particulièrement. Néanmoins, je pense qu’il est connaitre, et a utiliser par tous les cliniciens dès à présent.

De plus, que l’on adhère y ou pas, il faut reconnaître la clarté et la précision de ce nouveau volet. Quelque soit votre approche et votre conviction, la connaissance de cet outil est importante dans un soucis d’échange.

ps : au fait, ce n’est plus DSM – V mais DSM – 5 😉

Traitement du trouble de la personnalité Borderline

Traitement du trouble de la personnalité borderline - Firouzeh Mehran (2011)

Traitement du trouble de la personnalité borderline – Firouzeh Mehran (2011)

 

Préfacé par J. E. Young, le créateur de la thérapie des schéma, c’est pour l’instant le meilleur ouvrage traitant de psychothérapies que j’ai pu lire.

Riche, exhaustif, il propose une partie théorique sur toutes les thérapies existantes suivi d’une partie pratique pour mieux comprendre et soigner ce trouble de la personnalité complexe, fréquent et difficile qu’est la personnalité borderline.

La prise en charge proposée par F. Mehran est la suite logique de la thérapie des schéma. Prenant en compte les multiples aspects et niveaux de fonctionnement du psychisme et de la cognition, elle tente une approche très ciblée sur ce trouble de personnalité qui est, à mon avis, plus fréquent qu’on ne le pense.

 

 

 

 

Le Rorschach aujourd’hui

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Allons droit au but.

La conclusion de cet article scientifique faisait le point sur le Rorschach… déjà en 2000 :

We are not especially optimistic that future research will uncover important new relationships between the Rorschach and psychiatric disorders.

Research on this topic has been under way for nearly 80 years, yet the results mainly have been disappointing, as the present review indicates. Evidence of Rorschach diagnostic validity was very limited in the 1940s 1950s, and 1960s, and it is not much better now.

There seems little reason to expect that the next half-century will bring major breakthroughs. Clinical psychology probably should look elsewhere for new discoveries and better diagnostic techniques.

N’en  déplaise à de nombreux cliniciens, l’utilisation du Rorschach, dans un contexte d’évaluation diagnostique, doit être arrêtée au profit d’autres outils scientifiquement validés.

Référence:

Wood, J. M., Lilienfeld, S. O., Garb, H. N., & Nezworski, M. T. (2000). The Rorschach test in clinical diagnosis: A critical review, with a backward look at Garfield(1947). Journal of Clinical Psychology, 56(3), 395-430.

Le livre noir de la psychanalyse

Le livre noir de la psychanalyse - Catherine Meyer (2010) - les arènes

Le livre noir de la psychanalyse – Catherine Meyer (2010) – les arènes

 « Vivre, penser et aller mieux sans Freud »

En voila une punchline efficace !

Tout le monde connait le « crépuscule d’une idole, l’affabulation Freudienne« , tant il a enflammé les plateaux télés des Ruquier et autres. L’ouvrage volontairement explosif de Michel Onfray, résolument anti-freudien, puise pourtant toute son essence, voir  même l’extrême majorité de son contenu, dans « Le livre noir de la psychanalyse« .

Encore une fois, la psychanalyse est une discipline qui n’existe, en tant que prise en charge des maladies mentales, quasiment plus à part en France et en Argentine. Inefficace, trop longue, trop chère, les alternatives existantes aujourd’hui sont nombreuses et, devant l’ensemble des preuves scientifiques qui s’accumulent pour montrer l’obsolescence sa théorie, on se demande pourquoi en France, certains la défendent avec acharnement…
Comme premier pas pour endosser la toge du scepticisme, Le livre noir de la Psychanalyse est parfait. Comme les philosophes des lumières, qui cherchaient à donner au peuple les outils pour mieux comprendre le monde qui les entoure, Catherine Meyer et son équipe passe minutieusement au crible l’imposture analytique. Et leurs arguments sont clairs, carrés, sourcés, sensés et les sujets traités le sont avec expertise, justesse, méritant l’audience la plus large possible.  
Cet ouvrage devrait être une lecture obligatoire pour tous les étudiants de psychologie.
Apportant une vision différente de celle enseignée dans les instituts, il a le double mérite de revoir toutes les théories et les cas célèbres de la psychanalyse et de poser des questions d’une importance capitale afin de pouvoir raisonner de manière critique sur la situation actuelle de la psychologie en France.