Les deux histoires de Phineas Gage

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Se prendre une grosse poutre. Alors que, pour certaines personnes, cela aurait un rapport avec la consommation d’une certaine poudre blanche, figurez-vous que, en neuropsychologie, cela renvoi à un « patient » bien précis. Un patient qui, d’ailleurs, dirigeait la construction de rails… de chemins de fer.

Il s’agit bien sûr du célèbre Phineas Gage. Mais, plutôt que d’en dire plus, je vous laisse avec la vidéo de Neuropsychovlog, où tout vous sera très bien expliqué :).

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Qu’est ce que la neuropsychologie ?

phreneologyhead-graphicsfairy010bProcédons à une expérience simple et amusante. Prenez un jeune et brillant neuropsychologue et demandez lui « qu’est ce que la neuropsychologie ? ». Dans certains cas, après quelques balbutiements, il vous répondra par un exemple issu de son métier ; « la neuropsychologie, c’est faire ci ou ça ». Au mieux, il vous donnera une réponse incomplète, voire fausse : «la neuropsychologie est un outil», « une méthode » ou pire, « un point de vue »…

Non pas que le neuropsychologue en question soit incompétent, loin de là. Mais c’est un exercice que nous n’avons pas l’habitude de faire. L’enseignement de la neuropsychologie vient petit à petit, de manière dénouée et parcellaire. Si, in fine, nous en acquérons une vision globale, jamais la verbaliser n’est nécessaire. De plus, la définition de la neuropsychologie, complexe et difficile à formuler, est surtout très débattue. Les métiers qui en découlent sont multiples et, trop souvent, d’aucuns essayent de circonscrire la neuropsychologie à leur petite activité. Par exemple, un neuropsychologue qui fera de la remédiation cognitive avec des patients psychiatriques aura sans doute une vision quelque peu différente de celui-ci qui réalise, jour après jour, des examens neuropsychologiques diagnostiques dans un service de neurologie. Et c’est sans compter tous les neuropsychologues ayant choisi une carrière universitaire et académique, enseignants et/ou chercheurs, parfois critiqués par leurs confrères cliniciens.

Aucun problème, dirait le lecteur averti, prenons une définition plus large. Pas si simple. La neuropsychologie occupe une place à part dans l’organigramme de la science, à la frontière exacte entre les sciences humaines, les sciences de la vie et les sciences médicales. En donner une définition trop large reviendrais à perdre son essence dans les tréfonds nébuleux des neurosciences et de la psychologie. Les neuropsychologues, qu’ils soient cliniciens ou pas, ont une formation commune, des bases théoriques spécifiques, un canevas d’analyse et d’interprétation sous-tendu par une méthode rigoureuse et scientifique.

C’est pourquoi, dans l’objectif d’un consensus ouvrant à la compréhension et au débat, je vais tenter de proposer une définition simple, complète et informative.

Le premier point obligatoire, l’axiome premier, est la notion de science. «Science», nous dit Schopenhauer dans sa thèse à l’intitulé baroque (De la quadruple racine du principe de raison suffisante), « signifie un système de connaissances, c’est-à-dire une totalité de connaissances reliées ensemble, par opposition à leur simple agrégat. ». Ce principe s’appliquant parfaitement à la neuropsychologie, qui contient des théories, des hypothèses et des preuves se nourrissants les unes des autres, elle devient de facto une science. Mais pas n’importe laquelle.

La neuropsychologie fait partie d’un amas de sciences ayant pour intérêt la constitution, le fonctionnement et la production d’un même objet : le cerveau. Par conséquent, elle fait partie intégrante des neurosciences. Elle se situe même à cheval entre les neurosciences médicales (la neurologie, la psychiatrie, la psychopathologie…) et les neurosciences fondamentales (la neurobiologie, la neurophysiologie, la psychologie cognitive…). De plus, elle est également liée par de multiples aspects aux neurosciences appliquées (psychopharmacologie, neuro-ingéniérie, neuromarketing etc.).

La nébuleuse des neurosciences.

La nébuleuse des neurosciences.

Comme dit plus haut, la neuropsychologie est un champs d’étude intégrant des théories, des méthodes d’investigations spécifiques, des débats et des experts, qui s’intéresse à la relation entre matière cérébrale, son organisation anatomique et fonctionnelle, et a son lien avec la cognition et la pensée.

Contrairement à d’autres domaines, la neuropsychologie possède également une composante pratique, appliquée, qui se développe dans l’évaluation, le diagnostic et la prise en charge de patients pouvant souffrir de pathologies très diverses.

Ces multiples facettes font la richesse de la neuropsychologie et offrent une liberté de travail potentiellement exceptionnelle. 

Ainsi donc, en résumé* :


La neuropsychologie est une science théorique et pratique étudiant le lien entre l’organisation et le fonctionnement du cerveau, la cognition, la pensée et le comportement.

Elle comporte deux aspects intimement liés :

  • La neuropsychologie expérimentale étudie les variabilités du cerveau et de la cognition (qu’elles soient d’origine pathologique ou non) pour tester des modèles et développer des théories sur le fonctionnement mental, visant ainsi à une meilleure compréhension de l’Homme.

  • La neuropsychologie clinique utilise les théories et les modèles sur le fonctionnement mental pour mieux détecter et appréhender les troubles et les déficits d’une pathologie, menant à un diagnostic précis, tout en développant et appliquant des prises en charges modernes et adaptées.

La neuropsychologie se situe au centre de la nébuleuse des neurosciences, au carrefour de la théorie et de la pratique. Ses praticiens, les neuropsychologues, sont liés par une formation commune, des bases théoriques spécifiques, un canevas d’analyse et d’interprétation sous-tendu par une méthode d’investigation rigoureuse et scientifique.


2017 : Cette définition est enseignée aux étudiants de psychologie de l’université Sorbonne Paris-Cité.

Neuro-anatomie clinique

Neuro-anatomie clinique et neurosciences connexes - Fitzgerald & Follan-Curran (2003)

Neuro-anatomie clinique et neurosciences connexes – Fitzgerald & Follan-Curran (2003)

Reprenons la rentrée sous un angle académique et universitaire. Cet ouvrage me fût conseillé durant mon cursus de neuropsychologie car, en effet, l’ouvrage tente de lier autant que possible (et comme son nom l’indique) neuroanatomie fondamentale et clinique.

C’est à dire qu’en plus de nous présenter à l’aide de schémas clairs les différentes parties, structures ou connexions cérébrales, il propose de décrire ce qui se passe quand celle-ci est lésée ou détruite. De plus, il y a beaucoup d’encarts concernant une grande variété de pathologies neurologiques, leurs étiologies et leurs symptômes. 

Cependant, comme encore beaucoup d’ouvrages de neuroanatomie, la partie concernant la cognition et le cortex n’est que modique comparée au reste. L’une des raison possible, qui devient le principal défaut de cet ouvrage, est son âge. 2003, en neurosciences, ça devient limite. D’aucuns dirons que je suis à cheval sur la nouveauté (ce qui est vrais), mais quand même, les neurosciences ont fait un tel bond ces 10 dernières années qu’il faut prendre ce facteur en compte, qu’on soit un maniaque de la modernité comme moi ou pas. 

Ainsi, s’il est parfait pour la découverte de la neuro-anat’ pour un clinicien (psychologue, psychiatre, …) intéressé aux neurosciences, il devient limité pour un neuro-scientifique cherchant l’exactitude et les dernières connaissances.

J’espère sincèrement qu’il y aura une nouvelle édition, tant il est pourtant bien pensé et richement décoré. 

Le mythe de la maladie d’Alzheimer

Le mythe de la maladie d'Alzheimer - P. J. Whitehouse, D. George (2009)

Le mythe de la maladie d’Alzheimer – P. J. Whitehouse, D. George (2009)

 

5 ans que cet ouvrage est paru. 5 ans déjà que beaucoup de choses ont été dites, sans conséquences.

Les auteurs, notamment le Pr Whitehouse, sont des experts mondiaux de la maladie d’Alzheimer. Traduit et préfacé le Pr Van der Linden et sa femme, leur ouvrage au titre provoquant a crée un véritable séisme au sein des neurosciences médicales.

Les constats des auteurs sont simples :

– Le diagnostic de maladie d’Alzheimer est redouté et totalement saturé de connotations morbides, horrifiques dont l’issue est vu comme sans espoir.

– L’évolution de la maladie d’Alzheimer est extrêmement variable et quasiment imprédictibles.

– La physiopathologie de la maladie d’Alzheimer est indistincte, non unique, et les lésions présentes sont également retrouvées dans un vieillissement « normal ».

Ils proposent l’idée d’un continuum entre maladie d’Alzheimer et vieillissement, avec l’idée que si l’Homme vivait 150 ans, on aurait quasiment tous cette maladie, vu que la proportion de sujets atteints augmente quasi-linéairement avec l’âge. En France, le diagnostic de la maladie est vu comme un arrêt de mort : « tout est fini, je vais me dégrader pour finir comme une coquille vide et je ferais subir d’affreuses souffrances à ma famille ». Comment garder le moral ? Les auteurs luttent contre cette idée : d’après eux, la maladie d’Alzheimer ne serait qu’un chemin de vieillissement, imprévisible et pouvant laisser encore des années de « belle » vie : son diagnostic n’est pas incompatible avec le « successful aging ».

D’autant plus, cette fois ci sur une note plus personnelle, que le diagnostic est aujourd’hui lancé à tour de bras, pour des maladies qui n’ont rien à voir les unes avec les autres (d’autant plus que le cas princeps décrit par Aloïs Alzheimer n’a rien à voir avec la description classique actuelle).

Je vais prendre un exemple récent, entendu récemment dans un cours à l’université :

« La maladie d’Alzheimer à plein de forme atypiques, notamment l’atrophie corticale postérieure qui présente les mêmes lésions : elles sont toutes des maladies d’Alzheimer ».

Ce point de vue me semble problématique. Il est vrais que la présence de dépôts amyloides (lésions de maladie d’Alzheimer classique) est aspécifique : on en retrouve aussi bien dans la forme classique, que dans des formes asymptomatiques ou encore dans les ACP. Mais pourquoi donc tout appeler maladie d’Alzheimer ?

D’une part, on confond des forme cliniquement très différente, d’autre part, au vue de la charge anxieuse associé à ce diagnostic, pourquoi diable affublé un patient de cette étiquette alors que son évolution pourrait être tout autre que celle qu’il s’imagine ? (je ne dit pas que l’évolution d’une ACP est meilleure, elle est en tout cas bien différente).

Je pense qu’on devrait abandonner ces appellations obsolètes de maladie d’Alzheimer, de Pick, de Huntigton ou autre et revenir à une description factuelle, descriptive alliant description clinique et physio/histopathologie.

Ainsi, « l’amyloidopathie à début temporal interne » serait une appellation beaucoup plus neutre, objective et claire. l’ACP serait par comparaison une amyloidopathie à début postérieur (ou cortico-postérieur, c’est de toute façon qu’une illustration).

C’est pareil pour le supragroupe des « DEMENCES TEMPORO-FRONTALES », il faut dissocier les pathologies avec un syndrome frontal, un syndrome dyséxecutif, les démences frontales (pour la majorité des tauopathies à début frontal), les démences sémantiques (tauopathies à début temporal externe) ou les aphasies progressives primaires.

Bref, la nosologie des démences (nom également obsolète) doit être précisée, revue, clarifiée pour plus d’entente et d’échange dans l’objectif du bien être des seniors.

Anatomie clinique – Neuroanatomie

Anatomie clinique - Tome 5 - Kamina (2013)

Anatomie clinique,  Neuroanatomie (tome 5) – Kamina (2013)

 

Les neurosciences, et dedans la neuroanatomie avancent au galop. Les découvertes sont récentes et il est nécessaire de se mettre à jour fréquemment. Il ne nous suffit pas, comme chez les psychanalystes (exemple pris au hasard), de lire tous les livres de Freud pour que cela suffise à notre carrière, faite de commentaires et de re-commentaires de ces mêmes ouvrages.

Je cherchais donc un livre récent de neuroanatomie et mon dévolue s’est portée sur me tome 5 de la série du Pr Kamina, qui était attirant de par sa couverture élégante (après tout, un livre est aussi un objet de plaisir).

Mon avis est assez mitigé. Ce bouquin est sans doute très bien fait pour un neurologue ou un anatomiste. Il décrit avec précision l’ensemble des nerfs et des parties du cou jusqu’au cortex. Seulement voilà, pour le neuropsychologue que je suis, la partie sur, justement, le cortex et les connexions neurofonctionelles entre les aires cérébrales est à mon gout parfois léger. Encore une fois, l’ouvrage est excellent pour un public donné, mais j’imagine pas forcément approprié pour tout le monde. Les illustrations sont très belles (bien qu’un peu ternes)  et l’on déplore parfois qu’il y ait, en exagérant fortement, 5 illustrations de telle partie du nerf oculo-moteur mais qu’une seule illustration de telle coupe du cortex.

C’est néanmoins compréhensible, la neuroanatomie sous-corticale est bien plus complexe et moins évidente à saisir que la localisation des lobes et des aires corticales. L’intérêt réside dans la spécialisation fonctionnelle de ces dernières plutôt que dans leur organisation et donc, passionne plus un neuropsychologue qu’un anatomiste. C’est la raison, sans doute, pour laquelle les légères descriptions fonctionnelles neurocognitives présentes dans le livre ne sont ni exhaustives, ni même parfois totalement exactes. A chacun son métier, celui d’un anatomiste est déjà assez compliqué comme cela.

Ce très bel ouvrage est à conseiller aux passionnés d’anatomie structurale, en majorité sous-corticale, plutôt qu’à ceux qui recherchent des précisions en neuroanatomie fonctionnelle et des applications cliniques.

 

L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau

L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau - O. Sacks (1992)

L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau – O. Sacks (1992)

Faisons simple : c’est le petit livre qui m’a donné envie de faire de la neuropsychologie.

Olivier Sacks, le célèbre neurologue prosopagnosique, décrit de sa plume très juste une série de cas aux troubles incroyables dont cet homme qui prenait sa femme pour un chapeau.

L’auteur tient la neuropsychologie en très haute estime, chose agréable à lire à l’heure où beaucoup de neuropsychologues Français s’abritent et se cachent derrière des murs de verre…

Sans rentrer dans un débat houleux en cette belle soirée de juin, je conseille ce livre (en plus au prix rikiki) à tous ceux qui ne l’auraient pas lu, ou comme cadeau pour vos proches soucieux d’ouvrir leur esprit.

 

Encéphale

Encéphale - Sartor, Hähnel, Kress & Bourjat (2009)

Encéphale – Sartor, Hähnel, Kress & Bourjat (2009)

 

« Encéphale est un volume exhaustif qui expose en 300 pages et 336 illustrations toutes les pathologies observées en pratique clinique  » Peut on lire sur la couverture…

Alléchant, abordable (pour un ouvrage d’imagerie), il semble parfait. Pourtant la réalité est moins belle : tout est en noir et blanc, les auteurs insistent trop sur certaines techniques plutôt que sur d’autres, plus modernes, les images sont petites, non claires, souvent sans indications…

S’il est surement utile aux étudiants en imagerie clinique ou autre, il ne ravira pas ceux voulant simplement avoir des notions et une grille de lecture : A quoi peut correspondre un hypersignal sur une coupe en T2 ? Ou repérer une lésion hippocampique ? etc.

A choisir, je lui préfère « Neuro-imagerie diagnostique » (Dietemann, 2012), mais le budget n’est pas le même (comptez 200€ contre 38 pour celui-ci…).

La neuroimagerie, clinique comme de recherche est un domaine complexe et passionnant. A ma connaissance, l’ouvrage parfait et adapté pour moi n’est pas encore sorti.

Atlas de poche de Neurologie

Atlas de poche de neurologie, Reinhard Rohkamn (2005) - Flammarion

Atlas de poche de neurologie,
Reinhard Rohkamn (2005) – Flammarion (env. 46€)

Complet, synthétique, clair, pédagogique… les adjectifs ne manquent pas pour cet ouvrage expliquant et montrant « tout ce qu’il y a à savoir en neurologie » grâce à des textes concis associés à chaque fois à des illustrations de qualité.
Quel est le faciès d’un patient avec lésion du ganglion géniculé ? La réponse dans le livre.
Seul point négatif, le prix légèrement élevé (env. 46€)… Mais il en vaut la peine, tant le contenu est de qualité, permettant d’aborder la neurologie avec toutes les clefs en mains.
A posséder impérativement.